Vision aberrante
Installation, lunettes stéréoscopiques, pierre, résine époxy, 11 x 5 x 7,5 cm,
exposition «A Perte de Vue»,
FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca, 2021.
« L’homme leur envie la durée, la dureté, l’intransigeance et l’éclat, d’être lisses et impénétrables, et entières même brisées. »
Dans mes expérimentations liées au minéral, plusieurs actions se déroulent dans la nature dont la marche, la collecte pour in fine cataloguer ou inventorier. Les variables qui découlent de l’étude des pierres sont multiples : elles sont à la fois techniques à travers des phénomènes d’usure, de martellement, de tractation, de reproductibilité de la pierre –ou au contraire des modifications que l’on peux possiblement lui apporter- mais aussi, et surtout, sensibles.
Cette part de sensibilité convoque une réflexion plus générale quand à la place des pierres dans la nature ou leur liaisons à la vie organique. De plus, il surgit de cette étude des pierres un attrait esthétique, en lien avec l’image, d’autant plus captivant au regard de l’utilisation de matières telles que la résine époxy ou le grain de pierre.
L’ensemble de mes recherches ont débutées par un projet double, une vidéo et une installation sur le phénomène d’usure de plusieurs pierres par tractation sur route goudronnée. Dès lors elle tente de créer un écosystème par diverses expérimentations et divers médiums.
L’exposition « A perte de vue » portée par le Frac-Méca Nouvelle-Aquitaine est une plongée au cœur des pierres, posté sur le sommet d’une montagne à observer ce qui à première vue peut sembler inerte et qui pourtant est doté d’une « puissante expressivité » ironiquement saisie par une très petite installation : les lunettes stéréoscopiques. On peut ainsi saisir une image plus nette et rapprochée de deux pierres trouvées dans la nature.
L’image reçue par l’œil gauche est légèrement décalée par rapport à celle reçue par l’œil droit, et c’est la combinaison de ces deux images par notre cerveau qui nous procure l’effet de relief. C’est ce même principe qui est utilisé pour réaliser des photographies stéréoscopiques: le but est de prendre deux photos simultanées d’un même objet mais décalées de gauche à droite pour obtenir une vue de chaque œil. L’aberration est issue du décalage de ce système, utilisé non plus pour donner à deux images un effet de relief, mais pour fusionner deux matières : la pierre et son double exact en résine époxy. En regardant à travers les lunettes une seule pierre est visible créée à partir de la synesthésie de ces deux matières reflétant « la transparence immortelle ». L’usage technique lié à la reproductibilité de cette même pierre pose la question de l’usure par la vision et l’usure de l’objet par lui-même, ou par les nombreuses copies en époxy de cet objet même.
« Elles sont le feu et l’eau dans la même transparence immortelle, visitée parfois de l’iris et parfois d’une buée. Elles lui apportent, qui tiennent dans sa paume, la pureté, le froid et la distance des astres, plusieurs sérénités. »
Roger Caillois
texte extrait de Pierres, « Dédicaces », Janvier 1966.
Pour aller plus loin
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« À perte de vue, c’est la croisière entreprise par des étudiant·es en première année de master Recherche en Arts Plastiques de l’Université Bordeaux Montaigne en quête de nouveaux horizons. Prenez le large avec ces différentes personnalités qui proposent une variété de pratiques au cœur de La Jetée, au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA. En collaboration avec le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, ce projet offre un ensemble de regards aux dimensions sociales et écologiques engagées et reflètent l’intention d’aller au-delà du contexte actuel. Le monde s’est trouvé bouleversé, il y a un an, par la pandémie. Pour certain·es, la volonté de s’échapper du quotidien s’est imposée. »
Extrait de notre livret d’exposition.